Je sens que Mapuetos s’est
longuement absenté de mes rêves, son volcan s’est calmé,
endormi, éteint. Je sens pourtant encore la grâce
naturelle des arbres synthétiques qui dansent corps à
corps avec les ombres des nuages, mouvements en tandem
pour mieux vivre, sans faire de bruit. Cette absence,
c’est le symptôme irréel d’un cœur malade, grand absent.
Aurais-je rêvé d’un monde ? D’un monde évaporé ? J’observe
dans le ciel, les traînées de condensation, les sillages
d’avions qui forment une partition, je rêve d’en prendre
un, au vol, au hasard, cet avion blanc, le plus gros
là-bas, où va-t-il ? Du côté de chez nous ? … Claude
François s’approche de moi et me dit :
vous savez, la
joie ne dépend pas des circonstances extérieures. Elle
suppose un choix, nécessite une décision. Que
faites-vous ici ? Pour moi, c’est le jour J, regardez,
mes mains tremblent, je ne sais plus ce que je fais là,
pourquoi je le fais. Je lui montre l’affiche avec
son nom CLAUDE FRANÇOIS en grand, nous sommes dans des
loges d’une immense salle de spectacle à Paris, et je me
présente :
je m’appelle Patrick Lowie, metteur en
scène de votre rêve, je viens du nord. Nous entrons
dans sa loge :
mais, ce n’est pas ma loge, c’est ma
salle de bain, rassurez-moi, je suis donc chez moi et ce
n’était qu’un rêve. Dansons maintenant ! La folie a été
et restera ce qu’elle fut. Une alarme retentit et
un homme aux apparences balourdes entre dans la pièce en
nous expliquant, avec sa voix fluette que c’est notre
tour. Elle se retourne et me dit :
prenez soin de
votre capital « joie de vivre », faites le fructifier.
Elle fait quelques pas dans un couloir trop sombre puis se
retrouve sur scène face à une salle comble. Elle voit sa
famille, ses amis, ses anciens professeurs, aux premières
rangées. Une musique, une chorégraphie, des
applaudissements. Tout fonctionne comme sur du papier à
musique. Je m’éloigne, je plonge dans un bassin d’orgueil,
se noyer, une main me récupère, me soulève, j’y suis. Elle
est là, Claude François, née la même année que la mort de
son célèbre homonyme. Je lui dis :
j’ai déjà rêvé
d’être sur scène, plusieurs fois, mais dans mes rêves
c’est à chaque fois l’humiliation. J’oublie mon texte,
je ne sais plus jouer au piano, les spectateurs quittent
la salle, bref, quand je rêve aller sur scène, c’est un
cauchemar. Elle me dit que c’est une question de
confiance en soi, puis :
vous devriez croiser le fer
avec vos pires amis. Je glisse et je sens que
Mapuetos s’est longuement absenté de mes rêves, mon volcan
intérieur s’est calmé, endormi, éteint. Claude se
transforme en clairvoyante, me traverse de son regard et
me parle de ma période de transition, nous sommes au bord
d’une rivière, assis, dans un lieu nouveau pour moi, elle
insiste et me dit que je vais rebondir encore et toujours,
comme à l’accoutumée, je me mure dans un silence
encombrant. L’eau de la rivière cesse de couler. On entend
au loin des voix absurdes, la cigarette me brûle les
doigts. Les enjeux ne sont plus les mêmes.
Voir
en ligne : Le
site de Claude François