Luis Vergara Santiago

Dans le rêve innocent, Luis Vergara Santiago guette l'horizon et me dit : ….et que le combat soit doux. Un camion-citerne vient de passer juste derrière moi, je n'ai pas tout compris du début de la phrase. Il y a des mots cachés qui ont une saveur en plus, des mots fantasmés et cruels. Au moment de tendre la main pour se saluer, doigts croqués, nous sommes comme projetés dans un autre monde ou personne ne va, plus beau donc plus irréel, dans une nature luxuriante et meurtrière, la mort en moins.
Plus tôt, nous étions au coeur de Bruxelles, à la sortie d'une école près d'un couvent de sœurs noires, dans les années '70, cartables trop lourds, vestes identiques, après un cours de gymnastique dans les caves au bout d'un labyrinthe de couloirs à peine éclairés, nous parlions de tout et de rien, la chique en bouche, du hit-parade, de Mehdi, d'Heidi, des Poppys, du dernier Blake et Mortimer, nous levions la tête, étonnés par les nuages en forme de cuberdons, nous avions peur de tomber et de déposer les armes des mots, puis nous avions traversé la rue pour acheter dans la boutique du coin un petit pot de colle blanche avec une spatule, nous ne savions encore rien du monde. Nous sommes trois, portés disparus. Luis sourit et semble très heureux de se promener dans cet univers aux côtés de son frère, José. Le fleuve est bruyant, il bouillonne et agite. J'aimerais parler mais mes mots piquent, mes mots grattent le fond de la gorge, du piment dans les amygdales. José nous guide. J'entends des sifflements intérieurs, j'entends des battements, mais tout est devenu noir, j'attends une nouvelle lumière, j'attends que quelque chose se passe. Le jour se lève, je suis dans un monde rubicond imaginé sans doute, dans une nature exubérante, dans un décor de cinéma ou dans les couleurs indécentes d'une bande dessinée. Luis Vergara Santiago me dit : Comment allez-vous Patrick Lowie ? Je ne réponds pas. Je laisse un temps mort, le temps de l'ennui, l'espace du bonheur. Puis je me lance : nous sommes dans les Açores, n'est-ce pas ? Il y a beaucoup d'eau ici, des torrents dévalent sous nos pieds, comment ne pas se sentir tout petit face à cette grandeur. Les arbres sont majestueux. Luis est tranquille, dans un état contemplatif, et toujours de l’eau, des tonnes de mètres cube d'eau sous nos pieds. Au loin, l'embouchure. Au loin, un énorme delta. Au loin, la mer. Je poursuis : ne m'aviez-vous pas dit qu'il s'agirait d'une expédition spéléologique ? J'entends des mots portugais, la voix d'un homme répète quelques fois : je ne retrouve plus Poseidopolis, tout est inondé, la montée des eaux est maléfique. Luis s'écarte et danse sur un rythme qu'il est seul à entendre, comme s'il prenait conscience de son corps, les mouvements dans l'espace, son frère l'imite, je me prends au jeu et je sens enfin mon corps parler.
Ce rêve est très différent des précédents, composé d'images altérées, brûlées, je ne comprends pas où tout cela va m'amener. Les marais sont noyés, les arbres ressemblent à des plantes d'aquarium sans poissons. Je dis : il n'y aura pas de combat, il n'y aura que des histoires qu'on se racontera, que des énigmes, que des grottes, que du bois, que soixante-deux planches,… au moment de prononcer ces mots, une soucoupe volante survole la forêt, le monde s'embourbe, le monde s'enfonce dans des sables mouvants. Cette fois, impossible de sauver personne, on ne peut que chanter, siffler, nager, imaginer un autre monde, d'autres mondes, d'autres vies….
Qui est Luis Vergara Santiago ?
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